Résumé de la thèse / Summary of the thesis

 

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John Stuart Mill

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THESE DE PHILOSOPHIE / PHILOSOPHY THESIS
Logique et Politique dans l'oeuvre de John Stuart Mill / Logic and politics in the works of John Stuart Mill
 

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Lieu de la soutenance

La soutenance s'est déroulée le jeudi 16 mars 2006, à 14 heures, dans les locaux de l'Université de Rouen.

Le jury

Composition du jury :

  • Madame Claudine Tiercelin, professeur agrégée à l'Université de Créteil Val de Marne
  • M. Jean-Pierre Cléro, professeur agrégé à l'Université de Rouen (directeur de la thèse)
  • M. Jean-Michel Vienne, professeur agrégé émérite à l'Université de Nantes (président du Jury)
  • M. Marc-Emmanuel Weill, professeur agrégé de physique à l'Université de Rouen.

Discours de présentation

Monsieur le Président,
Madame et Messieurs les Jurés,

Nous sommes en Normandie et il est très intéressant de soutenir une thèse de philosophie anglaise en cette région. En effet, la philosophie anglaise est le fruit d'un subtil mélange de culture saxonne et latine. Or, ce mélange n'eût été possible si Guillaume le Conquérant et les Normands n'avaient apporté des milliers de mots français dans la langue anglaise.

Certains pourraient certes dire que nous sommes ici à Rouen et que la véritable ville de Guillaume le Conquérant fut la ville de Caen mais il serait peu opportun de raviver les rivalités régionales en ce jour. J'ai découvert la ville de Rouen en 1995 après avoir réussi le concours de l'ESIGELEC (Ecole Supérieure d'Ingénieurs en Génie Electrique). Outre son excellent niveau, cette école avait alors pour avantage d'être située à proximité immédiate de la Faculté de Lettres. Pour moi que la philosophie intéressait beaucoup, notamment en raison de mes excellents cours de Terminale, ce fut une aubaine. J'ai donc commencé mes cours à l'Université en Deug, la même année où je commençais à étudier à l'ESIGELEC.

Aujourd'hui, la philosophie m'aide au quotidien dans mon métier d'ingénieur. Elle permet de structurer la pensée de clarifier les mots et le langage. Le langage est essentiel dans toute activité, même, et peut-être surtout, dans le domaine de la technique. Car tout ce qui n'est écrit ne saurait être mis en pratique de manière effective. Cela est notamment vrai pour les systèmes d'information car, contrairement à une opinion répandue, l'internet repose avant tout sur la culture de l'écrit. Le philosophe et l'ingénieur ont ceci de commun que tous deux créent et innovent ; certes, chacun dans des domaines différents, l'un dans le domaine des idées, l'autre dans la technique mais tous deux se rejoignent dans l'innovation.

Cette complémentarité entre l'ingénierie et la philosophie m'a conduit à poursuivre mes études de philosophie après l'obtention de mon diplôme d'ingénieur et de ma licence. C'est alors que survint ma rencontre avec John Stuart Mill à Londres, en août 1998. J'achetai alors, presque par hasard, le livre On Liberty. Ce fut une révélation. Quelques jours plus tard, de retour en France, j'appelai M. Cléro pour lui faire part de mon souhait de travailler sur Stuart Mill dans le cadre de la maîtrise. M. Cléro accepta et c'est ainsi que commencèrent mes recherches.

De Stuart Mill, on peut retenir plusieurs aspects. Il est avant tout un philosophe dont la clarté des textes se conjugue avec la complexité des sujets traités. Tour à tour logicien, penseur politique, mais également acteur de la vie politique - il fut même élu au Parlement britannique -, il n'hésitait pas à défendre des idées inédites et à promouvoir une société innovante. Personne ne saurait oublier son grand combat pour le droit des femmes.

Ce qui m'intrigua le plus lorsque je commençai à étudier son oeuvre fut la dualité de sa pensée. Nous sommes en effet en présence d'une pensée logique, scientifique, très bien structurée qu'on retrouve dans l'ouvrage A System of Logic (le Système de Logique).

Nous avons également une pensée politique, aussi bien théorique que pratique. Je m'aperçus très vite que ces deux aspects de sa pensée, le politique et le scientifique, n'étaient pas dissociés, qu'il était même presque impossible d'étudier l'un sans connaître l'autre. C'est la raison pour laquelle, avec M. Cléro, mon directeur de thèse, j'ai souhaité travailler sur le sujet suivant : logique et politique dans l'oeuvre de John Stuart Mill.

Le socle de la pensée de Stuart Mill est l'utilitarisme de Bentham. C'est grâce à son père, James Mill, qu'il découvrit cette philosophie. Pour Bentham, l'humanité (mankind) est gouvernée par deux Souverains Maîtres que sont le plaisir (pleasure) et la peine (pain). Est utile ce qui contribue à augmenter les plaisirs et à diminuer les peines.

Le but du législateur, ou de la société en général, est d'augmenter les plaisirs et de diminuer les peines et ce, pour le plus grand nombre. Autrement dit, il s'agit de promouvoir le plus grand bonheur pour le plus grand nombre. Le grand avantage de la pensée utilitariste est qu'elle permet de bâtir - au moins en théorie - un système moral et politique sans recourir à des a priori, religieux notamment.

Stuart Mill fut, dès son enfance, imprégné par cette philosophie de l'utilité. Il la défendit avec force par la suite, notamment dans son ouvrage On Utilitarianism. Cependant, il serait faux que de croire que Stuart Mill défend à la lettre l'utilitarisme de Bentham. En effet, Stuart Mill opérera deux révolutions.

La première, la plus connue, est surnommée la crise de 1826 dans ses Mémoires ; elle concerne la découverte de Coleridge et l'influence des Romantiques. Vers 1826, alors qu'il a une vingtaine d'années, Stuart Mill découvre le Romantisme et la poésie. C'est d'ailleurs dans ce contexte qu'il rencontrera celle qui deviendra par la suite son inspiratrice et son épouse et qui l'aidera à réaliser son oeuvre. La découverte du romantisme, notamment dans l'oeuvre de Coleridge, provoqueront un changement majeur dans sa pensée et lui apporteront les éléments nécessaires pour polir l'aspect peut-être un peu trop brut de l'utilitarisme qu'on lui avait alors enseigné. La différence s'opère principalement au niveau de sa conception de l'individu. L'individu benthamien était polymorphe ; il se définissait comme une entité gouvernée par le plaisir et la peine. Stuart Mill conserve cette représentation mais la complète car, selon lui, l'individu est aussi un être doté de personnalité et sujet à la force de ses passions. Il s'inspirera pour cela des philosophes continentaux et allemands, notamment de Fichte.

De là provient une autre conséquence : celle de l'introduction de la notion de qualité. Désormais, on ne peut pas dire que tous les plaisirs se valent. Il y a une échelle dans les plaisirs ; ceux de l'intellect étant supérieurs aux autres. Mais, surtout, la notion de qualité implique que certains plaisirs peuvent être incommensurables et qu'on ne peut donc se contenter d'une approche exclusivement quantitative pour l'utilitarisme ; celle-ci doit aussi être qualitative.

La deuxième révolution opérée par Stuart Mill est beaucoup moins mentionnée par les commentateurs ; elle est pourtant tout aussi importante puisqu'elle est la raison d'être du Système de logique.

Cette deuxième révolution a commencé avec la lecture d'un texte de Macaulay critiquant l'Essay on Government de James Mill. Cet essai, rédigé par le père de Stuart Mill, visait à appliquer l'utilitarisme aux institutions politiques. Il fut vivement critiqué par Macaulay dans la mesure où James Mill, pour parvenir à ses conclusions, avait recours à des affirmations a priori. Chez Bentham aussi, on retrouvait des affirmations a priori; comme par exemple le fait que l'humanité soit gouvernée par deux Souverains Maîtres, le plaisir et la peine. Mais chez James Mill, ces affirmations a priori étaient plus fortes encore que chez Bentham.

Stuart Mill découvrit ainsi que, même dans l'utilitarisme, il pouvait y avoir des a priori et des dogmatismes. Pour y échapper, il fallait repartir à zéro, quitte à remettre en cause l'utilitarisme lui-même dans un premier temps pour mieux le retrouver par la suite ; d'où l'idée de promouvoir l'induction. C'est la raison pour laquelle Stuart Mill cherchera à élaborer une logique de l'induction; ce qui est l'objet même de son livre A System of Logic (le Système de Logique).

La pensée logique de Stuart Mill n'est pas déductive. La logique n'est pas donnée a priori. C'est un long cheminement, un parcours. Le but de ma thèse est de démontrer que ce parcours, même s'il apparaît de prime abord comme exclusivement conçu pour les sciences, est également conçu à des fins politiques.

Le cheminement de la logique m'a semblé être un cheminement par paliers, ou par degrés. Cela lui confère un aspect initiatique car dès lors qu'on chemine par degrés, on s'inscrit dans une démarche initiatique. Ces trois degrés, ou étapes, sont respectivement la maîtrise du langage, accompagné de la perception, l'induction et, enfin, la formation des lois. Ce cheminement est exposé principalement dans le domaine des sciences car c'est avant tout pour valider les raisonnements scientifiques que la logique est utilisée mais il peut aussi s'appliquer à la politique. Dans ma thèse, j'ai donc exposé ce cheminement sous trois angles différents : un angle abstrait afin de décrire de la manière la plus claire possible les trois étapes du cheminement, un angle scientifique, et un angle politique. En ce qui concerne la politique, les trois étapes sont similaires à celles des sciences mais avec une légère différence au niveau de la deuxième. En effet, l'induction est associée à l'utilité ; l'utilité étant en fait le complément de l'induction en politique. L'induction et l'utilité permettent de définir les notions d'individu, d'individualité, et de liberté.

L'accent porté sur l'induction souligne aussi le fait que la démarche est toujours inachevée et réfutable. Stuart Mill propose un système évolutif qui évite tout dogmatisme et qui s'inscrit en parfaite adéquation avec les principes de la démocratie.

Les trois étapes du cheminement de la logique peuvent être considérées comme le déploiement de l'induction, et de l'utilité, qui est son quasi équivalent dans le domaine sociopolitique. L'induction est indissociable du langage. Elle ne s'apparente pas seulement au langage usuel, avec ses signes et ses symboles, qui nous permettent de communiquer ; elle s'apparente au langage vecteur de connaissances et d'enseignement, autrement dit, à la Parole. L'induction est un peu la quête de la Parole universelle qui permettrait de comprendre, de décrire et de prédire tous les phénomènes. Cette quête est permanente et restera inachevée car seul un être omniscient serait en mesure de maîtriser la Parole et de connaître tous les secrets de l'univers.

Aucun être humain n'étant omniscient, nul ne saurait prétendre à la maîtrise de cette Parole. Nul ne peut donc imposer sa volonté aux autres sous prétexte qu'il possède la Vérité absolue. Cela exclut l'intervention du divin, et même de la transcendance, en politique.

Cela m'amène à parler de la quatrième partie de ma thèse, celle consacrée au déisme. De prime abord, cette partie pourrait être considérée comme presque détachée du reste. En réalité, ce n'est nullement le cas. Car le cheminement de la logique et la démarche de Stuart Mill ont un but : l'amélioration de l'humanité. Certes, chez Stuart Mill, il n'y a aucun a priori dogmatique, encore moins théologique, certes on ne peut pas parler de déisme en tant que tel. Cependant, il faut une telle foi en l'être humain pour faire progresser le monde selon les chemins de l'optimisme que Stuart Mill évoque, dans Three Essays on Religion, la nécessité d'une religion de l'Humanité. Il ne s'agirait pas d'une religion structurée mais plutôt d'une foi inébranlable dans le progrès. Cette religion de l'Humanité serait en réalité l'Enthousiasme avec un grand E.

La philosophie de Stuart Mill repose aussi bien sur la grande rigueur inspirée de l'utilitarisme benthamien et de la logique que sur un inépuisable enthousiasme. Il unit la Raison à l'enthousiasme ; plus précisément, grâce au socle de la Raison, il permet à l'enthousiasme de s'épanouir. C'est pourquoi Stuart Mill est si accessible. Il rend la philosophie de l'utilité agréable à ceux qui pourraient craindre qu'elle ne fût utilisée de manière autoritaire ou dogmatique. Il recentre l'utilité sur sa véritable raison d'être qu'est l'équilibre.

Je me suis souvent posé la question suivante : s'il fallait résumer l'œuvre de Stuart Mill en deux mots, quels seraient-ils ? A la réflexion, je pense qu'on pourrait choisir : le centre et l'excentricité. Le centre est très présent dans son oeuvre, explicitement ou implicitement. Dans On Liberty notamment - dans le troisième chapitre par exemple -, il évoque les différents centres de progression de la société et lie ce concept à la liberté.

Mais par ailleurs, il défend aussi l'individualité et ses manifestations les plus fortes que sont l'originalité et, surtout, l'excentricité. Or, étymologiquement, est excentrique ce qui est loin du centre, ce qui s'en éloigne. Centre et excentricité : se rapprocher du centre mais chercher également à le fuir ; je pense qu'implicitement Stuart Mill nous invite à méditer sur ce paradoxe.

Vincent-Emmanuel Mathon
Rouen, le 16 mars 2006

  Presentation location

The presentation took place in the buildings of the University of Rouen, on the 16th of March 2006, at 2.00 pm.

Jury

Members of the jury:

  • Professor Claudine Tiercelin, University of Créteil Val de Marne, Paris
  • Professor Jean-Pierre Cléro, University of Rouen (thesis director)
  • Professor Jean-Michel Vienne (ret.), University of Nantes (president of the Jury)
  • Professor Marc-Emmanuel Weill, University of Rouen.

Introduction speech